Soumise à la SADC, Madagascar doit présenter une feuille de route avant le 28 février 2026
En septembre 2025, le peuple malgache a écrit une page majeure de son histoire politique. En seulement dix-sept jours, une mobilisation populaire massive a chassé Andry Rajoelina du pouvoir. Dix-sept jours qui ont démontré une chose essentielle : contrairement au discours dominant, le peuple malgache n’est ni passif ni résigné. Il sait se lever quand la ligne rouge est franchie.
L’arrivée de Michael Randrianirina à la tête du pays a alors suscité une attente immense. Plus qu’une alternance, les Malgaches espéraient une rupture nette avec les vieux réflexes politiques : la dépendance aux institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le FMI et la soumission aux agendas extérieurs. L’espoir était clair : reprendre la souveraineté politique, économique et symbolique du pays.
Deux mois plus tard, la désillusion est brutale.
Les partisans de l’ancien président Andry Rajoelina ont été réintégrés à l’Assemblée nationale et dans plusieurs institutions clés. Autrement dit, ceux que le peuple venait de rejeter ont retrouvé leur place sans avoir jamais rendu de comptes. Comme si la chute du régime n’avait été qu’un évènement temporaire. Comme si la volonté populaire pouvait être neutralisée par quelques arrangements politiques.
Plus inquiétant encore, certains évoquent déjà un possible retour de l’ancien président français de Madagascar. Ce simple fait révèle l’échec fondamental du nouveau pouvoir : aucune rupture réelle n’a été engagée, aucun signal fort n’a été envoyé pour marquer la fin d’un système.
Dans ce contexte, Madagascar continue pourtant d’accepter une mise sous tutelle politique. La SADC, après avoir contribué à fragiliser le pays en multipliant pressions et blocages, exige désormais une « feuille de route » pour, selon ses termes, « rétablir l’ordre constitutionnel et garantir des élections inclusives et transparentes ». Le langage est lisse, institutionnel, presque rassurant. Mais la manœuvre est claire : maintenir Madagascar dans une position de dépendance permanente.
Cette situation est d’autant plus absurde que Madagascar est aujourd’hui politiquement plus stable que la France, son ancien colonisateur, qui a longtemps fonctionné sans Premier ministre et dans un climat institutionnel chaotique. Pourtant, c’est Madagascar qui doit prouver sa maturité démocratique. Comme si l’ancienne colonie devait rester éternellement sous surveillance, incapable de s’autogouverner.
La pression de la SADC n’est pas neutre. Elle s’inscrit dans une logique plus large de domination, où la France conserve une influence déterminante sur ses anciens territoires. Et ce système ne tient que pour une seule raison : il est accepté. Les nouveaux dirigeants obéissent, appliquent, se conforment. Non par contrainte directe, mais par réflexe politique profondément ancré.
Certes, la situation actuelle n’est probablement pas pire que sous Rajoelina. Mais ce constat ne rassure en rien. Car le véritable danger n’est pas toujours la violence du pouvoir, mais sa continuité déguisée. Le recyclage des mêmes acteurs, les mêmes dépendances, les mêmes discours vides.
La génération dite Gen Z — qui englobe en réalité toutes les générations désabusées — devra probablement faire face à une nouvelle crise dans les cinq prochaines années. Pourquoi ? Parce que tout indique que Madagascar se dirige, lentement mais sûrement, vers la répétition des mêmes schémas : pauvreté structurelle, dépendance économique, peuple prié d’attendre encore.
Alors une question s’impose, dérangeante mais nécessaire : que faire lorsque la soumission est consentie ? On ne peut pas libérer un peuple contre sa volonté. On ne peut pas imposer la souveraineté à ceux qui doutent encore de leur propre capacité à s’en saisir, même si Madagascar a déjà prouvé qu’elle pouvait se lever. Il lui reste désormais à prouver qu’elle peut aller jusqu’au bout.
